Le travail au métronome
J'ai vu l'un d'entre vous dernièrement, avec qui on a travaillé le premier exo du module 2. Je lui ai montré l'importance du métronome sur ce type d'exercice, et comment l'utiliser. Bon, évidemment, quand on voit les gens en direct c'est beaucoup plus simple, on peut prendre le temps d'expliquer et d'écouter ensemble, ce qui permet à l'apprenti musicien de comprendre pourquoi faire une chose, et comment la faire. Malheureusement, c'est beaucoup moins évident par écrit. Et je sais parfaitement que tant que vous ne l'entendez pas, vous le lisez sans problème mais ne le mettez pas en application. "Le métronome, je verrai ça plus tard, quand je saurai déjà jouer les phrases". Dommage, ça marche dans l'autre sens...
Avec toute la mauvaise foi qui le caractérise, le monsieur m'a vilipendé, m'expliquant au bout de l'heure qu'il était très content de ce qu'il venait de comprendre, mais que je n'avais pas assez insisté sur l'importance du métronome dans le descriptif du module.
Voilà bien de la mauvaise foi, certes, mais par acquis de conscience, je voudrais quand même revenir sur le sujet, et dire deux mots aux plus bouchés d'entre vous.
Pouquoi tous les profs de musique de la terre ressassent en permanence qu'il faut travailler au métronome ?
L'irrrégularité de la pulsation intérieure
D'abord, parce que, s'ils sont musiciens (ah ah), travaillant eux-mêmes au métronome, ils savent parfaitement que la régularité de la pulsation intérieure n'a rien d'inné pour la grande majorité des gens, eux compris !
Le travail au métronome est encore le meilleur moyen d'intérioriser une pulsation régulière.
C'est surtout le meilleur moyen, dans un premier temps, de se rendre compte du manque de régularité de notre pulsation.
Jouez trois notes, n'importe lesquelles, en même temps qu'un métronome réglé à 60, et enregistrez-vous. Je parie que 90% d'entre vous ne sera pas en place sur ces 3 notes !
Et je parie que la grande majorité des 10% restant a déjà travaillé avec métronome ...
Or d'une part, on ne se rend pas compte de son irrégularité. A fortiori quand on joue par-dessus un enregistrement (l'original étant en général en place, on ne fait pas bien la distinction entre le jeu de l'interprète et le notre). D'autre part, on ne se rend pas compte de la perte énorme de musicalité qui s'opère chez un musicien qui a de bonnes idées mais n'est pas en place. L'auditeur, lui, se rend très vite compte que ça ne lui plaît pas, même s'il ne saurait pas toujours exprimer le fait que le problème est avant tout un problème rythmique.
On a tous vécu ce drame infâme : on enregistre un solo en ayant l'impression de l'avoir super bien joué, et à la réécoute, ça paraît pas si génial, flottant, hésitant, on ne sait plus trop où sont les idées. On incrimine notre manque de créativité, mais le problème 9 fois sur 10 ne vient pas des intentions, mais de la réalisation, et en tout premier lieu du placement des notes. Jouez les mêmes phrases bien en place, et vous serez les rois du monde !
Il y a pas mal de facteurs agravant l'irrégularité de la pulsation intérieure. On perdra le fil du temps selon que des phrases nous paraissent faciles ou difficiles (impression souvent très psychologique, mais qui implique des décalages tout à fait réels), selon que l'on arrive à bien lire la partition ou la tablature, selon le niveau de connaissance que l'on a de la pièce, selon qu'on est seul dans sa chambre ou sur une scène avec 3000 personnes dans le public, selon les figures rythmiques à jouer, etc.
Plus étonnant, on aura aussi tendance à dévier du rythme à certains endroits sur l'instrument et pas à d'autres, y compris sur des notes pourtant simples à jouer.
L'ergonomie de l'instrument
C'est un point dont peu de gens ont conscience : l'ergonomie de l'instrument joue un rôle prépondérant dans la régularité rythmique du jeu. Il y a certains enchaînements de notes que l'on fera plus vite que d'autres, de manière tout à fait naturelle, sans s'en rendre compte. C'est pareil je pense sur tous les instruments.
Si l'on prend l'exemple de la guitare, les cases des notes aigues sont bien plus courtes que celles des notes graves. Les guitaristes doivent apprendre à déplacer leurs doigts différemment en fonction de l'endroit où ils se trouvent sur le manche, sinon ça risque d'aller plus vite dans les aigus que dans les graves ...
Là encore, vous pouvez faire le test, en prenant une phrase simple. Jouez des noires en vous enregistrant plusieurs fois. Vous verrez que très souvent, ce sont les mêmes notes que vous accélérez, et les mêmes notes que vous ralentissez. C'est toujours au même endroit que s'opèrent les décalages.
Autrement dit, même si votre rythme intérieur est relativement bien en place, le passage à l'instrument peut tout remettre en question, et, là encore, sans que vous vous en rendiez compte. Il faut donc non seulement apprendre à maîtriser le temps intérieur, mais également à maîtriser le temps relativement à la bête que l'on a entre les mains.
En fait, si vous vous rendiez compte de tous ces problèmes, vous auriez moins besoin d'un métronome, mais vous l'utiliseriez pour corriger vos défauts. La boucle est bouclée. Si vous ne sentez pas que vous êtes dehors, soit vous êtes incroyablement doué, soit vous avez besoin d'un métronome !
Utiliser un métronome ne suffit pas. Encore faut-il être concentré dessus à 100%. C'est la pulsation qu'il donne qui doit servir de guide à l'enchaînement des notes, et non l'ergonomie de l'instrument qui guide la pulsation. Ca paraît une évidence à énoncer, ça l'est beaucoup moins à appliquer.
Si on reprend les différents exercices que je propose sur ce blog, il est bien plus important de faire les 3 premières notes du premier exercice bien en place avec le métronome, qu'être capable d'enchaîner tous les exercices à l'arrache.
C'est d'autant plus important, qu'une fois qu'on est régulier, tous les exos deviennent plus simples. Faire les choses dans l'autre sens, contrairement à l'impression que cela donne, c'est perdre du temps. Beaucoup de temps. Certes, ça permet malgré tout d'aquérir une certaine agilité, et donc de continuer à progresser, mais cela reste une progression superficielle par rapport au fait d'apprendre à jouer en place (superficielle car moins efficace à moyen terme, et moins musicale à court terme).
Mon conseil du jour :
Prenez un exercice, n'importe lequel. Jouez les 2 premières notes exactement en même temps que le métronome. Continuez tant que vous n'y arrivez pas. Puis les 3 premières, puis les 4 premières, etc.
Si à un moment vous jouez 5 ou 6 notes en place et que vous vous décalez :
- Arrêtez de jouer, et reprenez l'exercice au début, quitte à recommencer avec 3 notes. Il ne sert à rien de continuer puisque le but est d'être en place.
- Ne vous dites pas "argh, je me suis encore planté" parce que de toutes les manières, si c'est pas là, ce sera à la note suivante, et que, encore une fois, l'objectif n'est pas forcément de faire tout l'exercice, mais de le faire bien. Dites-vous plutôt "yes, j'ai bien placé 5 notes, ça c'est gagné, je recommence".
Rien ne vous interdit d'alterner ce genre d'exercice avec des exercices executés de manière moins précise si vous en avez marre. Il faut varier les plaisirs, et continuer de s'amuser et de s'intéresser à tout. Mais gardez bien en tête que ceux-ci restent autrement plus bénéfiques !
Enfin, préférez un métronome avec indication lumineuse. Le fait d'observer le voyant s'allumer donne une assez bonne indication de votre avance ou retard par rapport à la pulsation.
Amusez-vous bien !