Publié par The Overblowers

La réalisation de ce projet d'album est un long chemin semé d'embûches. Clairement, j'apprends plus sur l'harmonica et sur la musique en ce moment, que je n'ai jamais appris.

Je me permets de partager certains des doutes, des questions, des problèmes que j'ai pu rencontrer, en me disant que ça servira peut-être, au moins de réflexion, à votre propre démarche musicale.

Et si vous avez une façon différente de voir les choses, n'hésitez pas : les commentaires sont là pour ça !

 

 

Quel sens donner à mon projet ?

 

La première question que je me pose au moment de passer à l'écriture est un peu idiote. Mais je suis certain que beaucoup de musiciens se la posent avant de démarrer un projet (surtout le premier). C'est parfaitement logique en fait.

Est-ce que j'écris ce que je joue, ou est-ce que j'écris ce que j'entends ?

 

mmm ... certains trouveront probablement la question étrange.

Une fois les problèmes d'égo mis de côté, elle reste pourtant, et s'impose.

Pourquoi ?

Nous avons tous une oreille qui va bien au-delà de nos capacités techniques sur l'instrument.

C'est l'absolue absurdité de notre situation : on travaille pour progresser, et tenter de s'approcher de plus en plus de ce que l'oreille entend, mais au fur et à mesure que l'on progresse, l'oreille entend de plus en plus de choses. Résultat : il faut abandonner très vite l'idée d'arriver quelque part, et comprendre que le plus important est de continuer à avancer !

Bref, il y a en général une vraie différence entre ce que l'on entend et ce que l'on sait jouer. Sauf éventuellement pour les génies, et les sous-doués !

 

Ok, donc si j'écris ce que je sais déjà jouer, ça va être vite plié. Je prends un micro, j'improvise au petit bonheur, j'écoute attentivement le résultat, j'écris ce que je viens de jouer, en recadrant sans doute un peu les choses, en triant les idées, en canalisant l'énergie. Pour la partie mélodique, vraiment, c'est tranquille.

L'arrangement de compos n'étant pas mon point fort, ce sera un peu plus complexe, mais bon, en général on improvise sans même s'en rendre compte sur des cadences que l'on connaît par coeur, donc ça ne devrait pas être la mort non plus.

Un coup de Band-In-A-Box par-dessus tout ça, le tour est joué, et les maquettes réalisées.

Quant à l'impro, eh bien, s'il s'agit de se poser sur des cadences que je connais par coeur (puisque issues de mon jeu "de base"), ce sera une situation plutôt confortable pour développer mes phrasés habituels.

Ca ne veut pas dire qu'il n'y a pas de boulot, loin de là. Au contraire, je risque de passer pas mal de temps à ranger les idées, et les mettre au propre. En revanche, une fois les morceaux écrits, ce sera vraiment du gâteau de les jouer, puisque justement, je savais les jouer avant même de les avoir écrits !

 

Malgré son efficacité, cette solution ne m'a pas plu.

La première raison est musicale. Partir de ce que je sais déjà jouer me paraît être, d'une certaine manière, le contraire d'une démarche musicale. Même si un musicien a suffisamment bossé son instrument pour que le rendu soit, bien entendu, musical. Disons alors que c'est le contraire d'une recherche musicale (et l'art existe-t-il sans recherche ? top chrono, vous avez 4 heures ...).

Et puis, si c'est pour jouer des trucs que je pourrais poster en quelques jours sur youtube, on peut se demander quel est le sens d'un tel engagement dans un projet. Non clairement, je ne fais pas tout ça pour jouer des phrasés que je connais déjà, mais plutôt pour en découvrir de nouveaux !

La deuxième raison est musicale. Si ces morceaux sont voués à rester planqués au fin fond de mon ordi, autant que je me sois éclaté à trouver des choses auxquelles je n'aurais jamais pensé avant de les écrire. Et au passage, ressortons plus riche de cette expérience ! C'est bien l'objectif !

La troisième raison est musicale, et sans doute la plus importante. Si je suis musicien, c'est que j'ai des choses à exprimer à travers la musique. Seule la musique doit compter. Certainement pas l'instrument dont je joue. La seule chose qui importe est ce qui chante en moi, pas le média que je vais utiliser pour partager ce chant avec mes semblables.

La quatrième raison est musicale. A partir du moment où j'ai envisagé que cette musique serait peut-être jouée (oui, soyons fous ! envisageons tout de suite le scénario le plus dingue !), j'ai vite compris que je passerai probablement 2 à 3 ans sur le projet. Ce qui voulait dire plusieurs choses. La première est que si je continuais à progresser au même rythme, je n'aurais pas du tout le même niveau ni la même oreille à la fin du projet qu'au début. Il me paraissait alors important d'écrire en prenant ça en compte. D'écrire pour le joueur que je serais 3 ans plus tard. Par ailleurs, si je passais 3 ans sur des choses que je savais déjà jouer, d'une part je risquais de vite m'ennuyer, et d'autre part, je ne profiterais pas du projet pour continuer à progresser, ce qui était ma toute première motivation.

Je savais que ce choix était le plus risqué, et qu'il me demanderait un travail de dingue, mais je savais aussi que le joueur que j'espérais devenir 3 ans plus tard m'en serait reconnaissant (ou aurait des regrets d'avoir perdu tant de temps à rejouer des évidences, au lieu de bosser ses gammes).

La cinquième raison est musicale (et un tout petit peu mégalo aussi, il faut l'avouer). Je claironne à longueur d'années que l'harmonica est un instrument comme les autres, et qu'il faut se laisser guider par la musique et pas par l'instrument ... C'est le moment ou jamais de le prouver, et d'être fidèle, dans la pratique, à mes convictions !

 

On peut résumer tout ça assez simplement en fait.

L'enregistrement devrait-il être l'occasion de poser "à date" son jeu tel qu'il existe, ou celle de développer son jeu tel qu'il sera une fois le projet terminé ?

Je ne crois pas qu'il y ait une réponse toute faite à cette question. J'imagine que chaque musicien fait ses choix en fonction de tout un tas de paramètres qui lui sont propres, qui dépendent de l'ensemble de son parcours, des raisons profondes qui motivent le passage à l'enregistrement, et du type de projet à réaliser.

En ce qui me concerne, c'est peut-être le seul album que je ferai dans ma vie, autant que j'en profite au maximum !

 

On peut remarquer que cette question vaut pour tous les musiciens, de tous les niveaux, et pour tous les types de projet. Même la simple réalisation d'un mp3 à poster sur un forum ou un réseau social ...

Le passage à l'acte

 

Dans un premier temps, partir de ce que j'entends me paraît plutôt assez simple.

Pas besoin de passer par l'instrument, pas besoin de m'enregistrer, de trier les idées, de remettre en ordre, replacer les phrasés, essayer de trouver un ordre musical à ce qui n'en avait pas vraiment, et me demander à chaque fois si un simple riff ferait un thème ou pas.

Il suffit de chanter. Chanter, et chanter encore. Toute la journée. Toute la semaine, tout le mois, toute l'année s'il le faut, jusqu'à ce qu'une mélodie s'impose.

C'est comme ça que j'ai procédé pour la plupart des thèmes. Pas tous, mais presque.

Et une fois mûr, je ne prends surtout pas l'instrument puisque le problème "ça me semble jouable / c'est injouable" reprendrais vite le dessus. Je me mets devant la partition, et j'écris ce que j'entends.

Tout simplement.

 

Je sais à ce moment là que je risque d'avoir des surprises une fois l'instrument en mains, pour jouer les thèmes et pour improviser sur des grilles probablement plus riches que ce que j'ai l'habitude de pratiquer.

Chaque chose en son temps. Je verrai bien comment résoudre le problème quand il se posera.

 

Dès l'écoute du premier thème, je comprends vite que c'est pour moi le bon choix. Il est en effet bien plus riche harmoniquement et rythmiquement que ce que j'aurais joué directement sur l'instrument. Et je comprends alors le sens du mot "écrire" ! Ce projet sera donc l'occasion de laisser libre cours à mon imagination, en partant du principe qu'il n'existe aucune contrainte instrumentale ni technique.

Je poserai donc l'instrument de côté, et n'écrirai que ce que j'entends.

 

#MonProjetQu'ilEstBeau : Question métaphysique de base
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